"PRENEZ-moi en photo avec Michèle Alliot-Marie, quelle belle image historique!" Tout sourire, Ahmed Abderraouf Ounaies, le nouveau ministre des Affaires étrangères tunisien, enjoint les photographes à immortaliser l'amitié avec son homologue française, sous les ors du quai d'Orsay, à l'issue de leur conférence de presse commune. Un exercice au cours duquel le petit homme sec, au français élégant et fleuri, mulitplie éloges et hommages en direction de son hôte. Comme pour mieux faire oublier les polémiques dont elle est l'objet.... "Je suis heureux de vous parler à côté de Madame Alliot-Marie, un petit rêve auquel j'avais aspiré et que l'accélération de l'histoire m'a permis de réaliser." Le Tunisien affirme avoir vécu depuis la révolution "trois vendredi saints": celui où le président Ben Ali a quitté le pouvoir, celui où le gouvernement d'union nationale s'est constitué et ce vendredi 4 février, où les relations privilégiées avec la France ont été relancées. On est bien loin des critiques de la presse tunisienne vis-à-vis de l'Hexagone...
Dans ce dithyrambe du ministre, les arrière-pensées économiques ont sans doute eu aussi leur rôle. La France est le premier client et fournisseur de la Tunisie. Paris a en outre promis d'aider Tunis à obtenir le statut privilégié auprès de l'Union européenne, ce qui lui garantira un traitement douanier privilégié. Toutefois pendant le discours, prononcé sans note, d'Ahmed Abderraouf Ounaies, quelques moments ont été touchants: son hymne à la démocratie tunisienne et lorsqu'il a remercié "la nation française d'avoir offert refuge et protection aux militants des droits de l'homme et opposants" au régime Ben Ali.
A la cinquantaine de journalistes présents et curieux, Michèle Alliot-Marie, plus que jamais droite comme un "I" dans son costume pantalon noir, a offert un visage au sourire indéfectible. Avant la conférence de presse, son entourage avait déjà déminé les critiques, en déroulant l'argumentaire bien rôdé qu'elle avait inauguré les jours d'avant sur les plateaux de télévision. Sollicitée par la presse sur l'affaire, la ministre a regretté que "la question ne soit pas à la hauteur des enjeux". Mais, elle a annoncé, visiblement satisfaite, que son ami Aziz Miled, propriétaire du fameux avion controversé, n'était pas dans la liste des personnalités dont les avoirs seront gelés. De quoi, espère-t-elle, relâcher un peu la pression.
par Sabine Syfuss-Arnaud, chef de la rubrique intenationale à Challenges, vendredi 4 février 2011.