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08/09/2010

MAM à Valeurs Actuelles : "L'honneur des politiques, c'est de montrer l'exemple"

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Humilité, disponibilité… Face aux polémiques et aux états d’âme, le ministre de la Justice prend de la hauteur et dresse le portrait de ce que doit être un ministre. L’ébauche d’un discours de chef de gouvernement?

Alors que le Parlement entame l’examen d’une réforme décisive – celle des retraites –, le ministre chargé du dossier est l’objet d’attaques répétées, assorties de révélations dont la justice dira ce qu’elles valent… Cette situation peut-elle durer longtemps sans dommage pour l’autorité du gouvernement, déjà mise à l’épreuve par l’annonce du prochain remaniement?
Ne confondons pas l’essentiel avec l’agitation. L’agitation ambiante, je ne la néglige évidemment pas, mais que pèse-t-elle face aux vrais enjeux du moment pour la France et les Français? Ces enjeux, quels sont-ils? D’abord la complexité de la situation inter­nationale qui montre que nous ne sommes pas complètement sortis de la crise, même si l’action menée depuis 2007, et les décisions prises pour enrayer les effets de la crise chez nous, ont permis à notre pays de s’en sortir mieux que la plupart de nos voisins.

 

Le ralentissement de la croissance américaine, la confirmation du dynamisme économique chinois nous rappellent de plus que la France, que l’Europe en général, sont exposées aux conséquences économiques et sociales de la crise mais aussi de la modification des grands équilibres internationaux, avec ce que cela implique pour l’avenir de la France et des Français. C’est la préoccupation prioritaire de Nicolas Sarkozy depuis 2007; il aura l’occasion de démontrer une fois de plus son implication dans le dossier lorsque la France présidera, dans les prochaines semaines, le G8 et le G20. Dans le même temps, les problématiques liées au terrorisme apparaissent, qu’il s’agisse de l’engagement occidental en Afghanistan pour empêcher Al-Qaïda d’en refaire sa base opérationnelle, des conséquences multiformes du conflit israélo-palestinien, ou de la montée des zones grises dans toute l’Afrique… Il serait suicidaire de baisser la garde.
En France même, comment passer sous silence nos problèmes structurels? Déséquili­bre démographique avec pour première question la pérennité du financement des retraites que la réforme en cours doit permettre de régler; fragilité de notre tissu industriel dont dépend l’emploi même si les bons résultats de ces derniers mois confortent l’action menée, mais aussi compétitivité insuffisante de nos entreprises, attestée par le déficit de notre commerce extérieur; urgence, aussi, de faire reculer notre déficit budgétaire pour retrouver de vraies marges de manœuvre…
Sans parler de ce qui me préoccupe chaque jour en tant que garde des Sceaux, à savoir les menaces qui pèsent sur l’autorité de l’État et sur notre cohésion nationale. Ce dernier point est fondamental: comment vivre en­semble sans règles communes, com­préhensibles, reconnues par tous, appliquées par une justice respectée, proche des citoyens?
Si l’on veut débattre de l’avenir de la France et des Français, les sujets ne manquent pas… Et l’on voudrait réduire l’enjeu de la rentrée aux attaques contre un ministre?

Au-delà des tactiques politiciennes classiques, inséparables de l’agitation que vous dénoncez, le résultat est là: le gouvernement serait plus à l’aise pour régler la question des retraites sans l’affaire Woerth…
À l’origine des attaques répétées contre Éric Woerth, il y a une volonté évidente de diversion. Les études d’opinion, mais aussi et surtout ce qui remonte du terrain, démontrent que les Français sont conscients de la nécessité de sauver le financement des retraites. Faute d’être capable d’argumenter de façon convaincante contre notre réforme, la gauche s’en prend à celui qui la porte, fait du harcèlement, en espérant un report du texte.
On instrumentalise la justice pour éviter de parler du fond, parce que sur le fond, la gauche sait bien qu’il n’y a pas d’alternative.
Avons-nous entendu la moindre proposition lors de l’université d’été du PS? Rien. Pas un mot. Leur seul message était: “Voyez comme nous sommes unis”. Mais unis sur quoi? Faute d’idées communes, sur une absence totale de programme…

Vous admettrez que la justice, dans l’affaire Bettencourt, n’a guère besoin d’être instrumentalisée pour se donner en spectacle… Que pense le garde des Sceaux de l’affrontement entre le procureur Courroye et la juge Prévost-Des­prez, certains accusant le premier de freiner des quatre fers, d’autres reprochant à la seconde d’agir en dehors de sa sai­sine?
Laissons donc la justice travailler sereinement. C’est son honneur, quelles que soient les inévitables péripéties d’un dossier médiatique… On ne peut en appeler sans cesse à une justice plus indépendante, et attendre de la Chancellerie qu’elle intervienne dans une procédure. Comme tout dossier, politique ou pas, majeur ou pas, celui-ci met en présence des parties. L’une d’elles a-t-elle officiellement demandé le dessaisissement d’un magistrat, comme les procédures en prévoient la possibilité? Non. Cela viendra peut-être, mais ce n’est pas le cas.

Autre question liée à l’administration de la Justice: comment expliquer aux Français qu’un juge puisse remettre en liberté conditionnelle, comme cela vient de se passer s’agissant d’un des braqueurs présumés du casino d’Uriage, un multirécidiviste en fuite ayant tiré sur des policiers?
Le ministre de la Justice ne saurait se substituer au libre arbitre d’un juge. En temps que garde des Sceaux, je suis garante de l’indépendance de la justice.
Pour autant, il ne vous a pas échappé que j’ai immédiatement fait faire appel de cette décision. J’étais dans mon rôle en usant des voies légales de recours, mais ne comptez pas sur moi pour commenter la décision de ce juge ni aucune autre. Mon rôle de ministre de la Justice, c’est de fixer le cadre général de la politique pénale. Par exemple, j’ai demandé aux procureurs généraux et procureurs d’Île-de-France, que j’ai réunis le 2 septembre, d’avoir pour des faits sem­blables une réponse pénale et un traitement judiciaire cohérents et efficaces sur l’ensemble de la région. I
l ne s’agit pas d’unifier autoritairement les sanctions en niant les circonstances particulières de cha­que affaire: il s’agit d’éla­borer un référentiel commun permettant une harmonisation des traitements des délits similaires tant au niveau du choix de la procédure de poursuite que du type de réponses pénales.
Un cambriolage dans des circonstances identiques doit faire l’objet d’un traitement similaire, que l’on soit d’un côté ou de l’autre du périphérique.

S’agissant de la politique sécuritaire du gouvernement, la gauche n’a pas été la seule à la contester. Au sein même du gouvernement, certains ont pris quelques distances. Le fait, pour le président de la République, d’annoncer à l’avance le prochain remaniement n’a-t-il pas contribué à libérer la parole de certains ministres, dépourvus d’illusions sur leur reconduction?
En annonçant à l’avance qu’il remanierait son équipe, le président a coupé court aux perpétuelles rumeurs sur un remaniement imminent – ru­meurs qui ne sont jamais propices à un travail gouvernemental serein. Il a dédramatisé une échéance qui a sa logique à mi-mandat et après une étape aussi importante et difficile que celle de la réforme des retraites.

Les états d’âme qui se sont manifestés viennent de gens issus de l’ouverture. En tirez-vous une conclusion?
Si vous suggérez que l’ouverture a été une erreur en soi, ce n’est pas mon avis. Proposer à des gens qui ont été vos adversaires, mais approuvent vos objectifs, de participer à l’action gouvernementale me semble une démarche fondamentalement saine. Elle traduit la volonté de rassembler les Français, d’atténuer la violence des affrontements idéologi­ques dans notre société. Que des états d’âmes existent, c’est humain. Ce que je regrette, c’est qu’on les étale dans la presse. Quand on est au gouvernement, on doit montrer qu’on est solide et solidaire, on doit rassurer. Surtout dans le monde actuel, qui crée tant d’angoisses et d’incertitudes. Je pense profondément que l’honneur des politiques consiste à montrer l’exemple, à prendre sur soi si nécessaire, à partir si cela paraît impossible. C’est vraiment pour moi une question de principe, pas une question d’origine partisane. À droite comme à gauche, il y a des gens qui savent donner confiance en se concentrant sur l’essentiel… et d’au­tres moins.

Et sur le fond?
Je pense que les réserves qui se sont exprimées tiennent moins au discours très équilibré du président de la République qu’aux interprétations qu’on en a donné. Qu’a dit le président à Grenoble? Que la République française est accueillante pour chacun, quels que soient son origine, sa nationalité et même son mo­de de vie. Mais à la con­dition non négociable de respecter ses lois et ses principes. S’agissant des Roms, le discours rappelle l’équilibre entre droits et devoirs. À eux de respecter le droit de propriété, faute de quoi ils seront délogés des ter­rains occupés illégalement. À eux de respecter la législation sur le droit au séjour: s’ils sont en situation irrégulière, ils devront partir. Parallèlement, les communes sont tenues d’appliquer la loi qui impose de met­tre à disposition des gens du voyage un terrain, sinon elles sont elles aussi dans l’illégalité. Qui peut de bonne foi être choqué par le principe du respect des lois en vigueur? Malheureusement, certains, à gauche, ont cru bon de caricaturer, quelques-uns ont voulu déborder du cadre…

C’est un fait que de la Défense à la Justice en passant par l’Intérieur, vous avez occupé les plus hautes fonctions régaliennes sans jamais vous départir de la ligne de conduite que vous décrivez: un ministre est là pour travailler, pas pour se faire remarquer en se désolidarisant. N’est-ce pas le portrait en creux d’un futur chef d’équipe, autrement dit d’un premier ministre?
C’est d’abord le portrait de ce que doit être, à mon sens, tout ministre! Je l’ai dit et je le répète: un ministre respectueux de l’État a un devoir: celui de travailler pour renforcer le pays dans la compétition internationale, pour améliorer la vie de nos concitoyens, pour préparer le futur. Il doit agir pour le long terme, comme s’il était là pour dix ans. Et en même temps, il doit savoir que, du jour au lendemain, il peut ne plus faire partie du gouvernement ou être appelé à d’autres fonctions. Faire campagne pour un poste ministériel ou, a fortiori, pour Matignon, c’est méconnaître les institutions. Seul le président a le pouvoir de décider.

Vous dites aussi que si Matignon ne se demande pas, cela ne se refuse pas non plus…
Cela va de soi. Faire de la politique à un certain niveau de responsabilité exige autant de disponibilité que d’humilité. Reconnaître, en somme, que certaines choses dépendent de vous, et d’autres pas… Comme dans la vie, non?

Propos recueillis par Éric Branca, François d’Orcival et Josée Pochat

04/09/2010

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