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12/07/2010

«La justice ne subira aucune pression»

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Pour Michèle Alliot-Marie, «prétendre que le politique peut influencer la justice ne sert qu'à une chose: jeter la suspicion sur l'ensemble des magistrats.»

INTERVIEW (le figaro du 12.07.10)- Pour Michèle Alliot-Marie, les enquêtes en cours «ne concernent pas» le ministre Éric Woerth. 

LE FIGARO. - Vous rencontrez Éric Woerth plusieurs fois par semaine depuis des mois. Comment le trouvez-vous aujourd'hui?

Michèle ALLIOT-MARIE. - Éric est déterminé. Il a été meurtri que l'on s'en prenne à son honneur, à sa famille. Il n'a pas l'intention de laisser salir sa réputation.

Éric Woerth peut-il se maintenir durablement à son poste dans ce climat?

L'emballement médiatico-politique n'aurait pas été si fort s'il n'avait pas été en charge de la réforme des retraites. Si l'on changeait de ministre chaque fois que règne l'effervescence, ce serait une incitation pour les opposants… Sur le plan du droit, on ne voit même pas bien ce qu'on reproche à Éric Woerth. L'affaire a débuté par une plainte pour abus de faiblesse (déposée par la fille de Liliane Bettencourt, NDLR) L'accuse-t-on d'en être le responsable? On parle de blanchiment, en serait-il l'auteur? Nul n'ose le prétendre. Il est question d'enregistrements illégaux, Éric Woerth en est-il coupable? Non, évidemment.

Des déclarations le visent plus directement, comme celle de la comptable de Mme Bettencourt disant avoir eu l'ordre de retirer 150.000 euros afin qu'ils soient versés au trésorier de l'UMP Éric Woerth?

Elle dit aussi qu'elle n'a pas été témoin d'une éventuelle remise. Il m'est impossible de commenter une enquête en cours, toutefois je rappelle qu'un témoin ne peut valablement témoigner que des faits qu'il a vécus directement. Ce qu'il n'a pas vu ni entendu, ce ne sont que des conjectures de sa part.

D'autres accusations pèsent sur lui, comme celle d'avoir fermé les yeux sur la situation fiscale des Bettencourt?

Elles ont été démenties, notamment par le directeur général des finances publiques.

Comment la garde des Sceaux gère-t-elle une semblable affaire? Êtes-vous informée quotidiennement?

Les informations sont transmises par la voie hiérarchique classique, le procureur fait un compte rendu à son procureur général, ce dernier transmet ensuite au ministère. De fait, la voie hiérarchique est parfois moins rapide que la presse, j'en témoigne! Je suis garante de la sérénité nécessaire à la justice dans l'enquête et de son indépendance. Mon rôle est de faire en sorte qu'elle ne se sente l'objet d'aucune pression, qu'elle soit hiérarchique, médiatique ou politique.

Précisément, une affaire si sensible, dans laquelle la personnalité du procureur, Philippe Courroye, joue un rôle central, ne vient-elle pas renforcer les arguments de ceux qui demandent une séparation plus nette entre le parquet et le pouvoir politique?

Je ne saurais admettre que l'on attaque des magistrats. L'enquête avance, et vite. Les fuites quotidiennes viennent le démontrer. Des règles existent pour garantir l'indépendance de l'enquête. Elles sont respectées. Prétendre que le politique peut influencer la justice ne sert qu'à une chose: jeter la suspicion sur l'ensemble des magistrats. C'est purement et simplement de la calomnie.

L'affaire doit-elle être «dépaysée» (confiée à une autre juridiction, NDLR), comme le demande notamment Dominique de Villepin?

Les premiers concernés, les parties au procès, ne l'ont pas demandé. La question ne se poserait que si elles le faisaient. Pour ma part, je ne peux que regretter les relations conflictuelles entre le parquet et le siège à Nanterre.

Le site Mediapart a été largement critiqué, qu'en pensez-vous? Le média est-il attaquable?

Nous sommes dans un État de droit. La presse est indépendante. Se pose aujourd'hui la question de la déontologie des médias, de la vérification des informations et de la façon dont elles sont présentées. L'immédiateté qu'impose Internet fait parfois passer au second plan ces exigences. C'est regrettable, surtout quand les dossiers concernent la justice. Quand il s'agit des politiques, certains médias ont tendance à laisser présumer la culpabilité. Cette attitude n'est pas favorable à la démocratie, elle fait le lit des extrémismes.

Que pensez-vous de l'attitude de l'opposition?

Je note que les mêmes qui se réjouissent des investigations du parquet lorsque leurs résultats semblent épouser leur cause dénoncent une collusion avec le pouvoir lorsque d'autres investigations donnent un résultat inverse…

En tant que responsable politique, pensez-vous qu'il faudrait prévoir des règles pour encadrer les fonctions que peuvent exercer les conjoints de ministres?

Dans ce cas, pourquoi se limiter aux ministres? Ne faudrait-il pas alors se pencher sur le cas des conjoints de parlementaires, de journalistes, de magistrats, de policiers? Pourquoi seulement le conjoint? Doit-on informer l'État de tous les gens qu'on fréquente? Attention à ne pas ériger une société de suspicion. Est-ce vraiment dans ce type de société que l'on veut vivre?

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