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24/03/2009

Michèle Alliot-Marie: "Il faut diminuer le nombre de fichiers"

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 Par Jean-Marie Pontaut, Eric Pelletier l'EXPRESS

 

Stic, Fnaeg, FPR, Edvirsp... On recense aujourd'hui, au moins, 45 fichiers de police et de gendarmerie. Certains, regroupant des données d'ordre politique ou privé, ont été contestés. N'est-il pas temps de mettre de ­l'ordre dans le système?

 

C'est en cours. Après les polémiques de septembre, j'ai voulu comprendre ce qui suscitait autant de craintes, voire de fantasmes. J'avoue qu'avant d'arriver Place Beauvau ce n'était pas un sujet de préoccupation majeur pour moi. Je n'ai d'ailleurs jamais demandé ma fiche personnelle. Les Français ont avec ces questions une relation un peu schizophrène. D'une part, ils s'inquiètent de l'existence des fichiers du ministère de l'Intérieur, pourtant destinés à garantir leur sécurité.

 

D'autre part, ils livrent des informations personnelles sur Internet ou ailleurs sans se préoccuper de l'utilisation, beaucoup plus intrusive, qui en est faite. Mais j'en conviens : il s'agit de données sensibles qui nécessitent plus de transparence. Ce ministère doit être exemplaire. Je veux que nous devenions la référence pour tous les organismes publics ou privés.

 

Que proposez-vous pour y parvenir ?

 

Je m'emploie actuellement à remettre à plat l'intégralité du dispositif : finalité ­opérationnelle de chaque ­fichier, conditions d'accès, durée de conservation des informations, apurement... Le groupe sur les fichiers, présidé par Alain Bauer, m'a fait une série de propositions en décembre 2008. J'ai demandé à mes services un ­recensement exhaustif de l'existant. D'ici à la fin de l'année, nous saurons précisément quels outils conserver. Il existe par exemple plusieurs fichiers concernant les vols : voitures, objets d'art, objets religieux, bijoux. Et des doublons entre services de police et de gendarmerie. Mon sentiment est qu'il faut globalement diminuer le nombre de fichiers. Même si les circonstances peuvent nous amener à en créer de nouveaux...

 

Vous faites allusion au phénomène des bandes ? Vous seriez donc favorable à un fichier spécifique?

 

Oui, il serait utile d'avoir un fichier des bandes, réservé aux services dont la mission est justement de les suivre. Les événements de ces dernières semaines, comme les intrusions dans les établissements scolaires, l'ont démontré, le suivi des quelque 2500 membres "permanents" de ces groupes et des 2500 autres gravitant dans leur environnement permettrait de prévenir des violences.

 

Des jeunes, parfois de très jeunes mineurs, seront donc fichés avant même d'avoir commis un délit...

 

J'ai déjà dit que nous prendrions comme âge plancher celui de la majorité pénale, c'est-à-dire 13 ans. J'ai aussi rappelé mon attachement au principe du droit à l'oubli. Si une personne n'a pas fait reparler d'elle à sa majorité, son nom doit être effacé. En revanche, il n'y a pas de raison de ne pas intégrer un membre d'une bande se livrant au trafic de stupéfiants au motif qu'il est mineur. Sur les 2 500 membres "permanents" des bandes, 48 % ont moins de 18 ans... Et plus de 10 % ont moins de 13 ans. Ils sont en général utilisés comme guetteurs. Il ne s'agit pas de ficher systématiquement les mineurs, mais seulement s'ils sont régulièrement signalés pour leurs activités au sein ou au profit d'une bande violente ou délinquante.

 

Le débat sur la possibilité de recourir à des statistiques ethniques divise jusqu'à la majorité. Quelle est votre position?

 

Je n'y suis pas favorable, même si je comprends ce qu'on recherche : une vision plus fine de la situation et donc des discriminations existantes. Mais je reste profondément républicaine. Je crains que ces catégorisations ne soient propices au renforcement du communautarisme.

 

Où en est-on du Fichier ­national automatisé des ­empreintes génétiques (Fnaeg) ? A l'origine, il ne devait concerner que les crimes sexuels. Aujourd'hui, il est étendu à presque tous les délits.

 

Je crois que l'existence du Fnaeg est bien comprise. La méthode l'est aussi : il s'agit de se doter d'une police technique et scientifique de masse, efficace pour résoudre toutes les affaires, des cambriolages aux meurtres, en passant par les viols. Hier, nous comptions sur les ­empreintes digitales pour confondre un suspect. Aujourd'hui, avec le Fnaeg, nous pouvons faire de même avec l'ADN. En janvier, nous avons passé le cap du million de traces enregistrées. Si bien que les moteurs de recherche, anciens et lents, permettant d'effectuer les recoupements doivent être modernisés. Nous y mettons les moyens. Le Fnaeg est devenu un outil indispensable : depuis sa création, il a permis le rapprochement de près de 50 000 profils.

 

Des affaires récentes ont montré que certains fonctionnaires peu scrupuleux ont revendu des informations confidentielles tirées des fichiers de police. Comment mieux en contrôler l'accès?

 

J'exige toutes les garanties dans ce domaine. Avant de pouvoir consulter la base de données, chaque fonctionnaire doit rentrer un code d'accès strictement personnel. L'informatique permet une traçabilité totale. Nous travaillons sur un renforcement des dispositifs de contrôle, par exemple le recours à la biométrie : l'ordinateur demanderait à chaque utilisateur son empreinte digitale avant de se connecter.

 

Je me montre intraitable vis-à-vis des fonctionnaires pris en faute. Les sanctions sont exemplaires, quelle qu'en soit la raison. Qu'il s'agisse d'une revente d'informations ou de la consultation, par pure curiosité, du dossier d'un chanteur ou d'un homme politique. En 2008, j'ai ainsi prononcé 18 sanctions disciplinaires, dont 5 révocations.

 

Un rapport parlementaire rendu cette semaine préconise de fixer par la loi le champ d'application des fichiers. Qu'en pensez-vous?

 

 

Je suis favorable à un débat public sur la finalité et le contrôle des fichiers. Le Parlement doit y jouer son rôle. Cela participe de l'esprit de transparence que je préconise pour ce ministère.

 

 

 

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