15/11/2008
Sur le thème "Comment réussir la maîtrise des dépenses de santé tout en pérennisant l'efficacité de notre système"
Voici la contribution de Marlene MOULIN
A la lecture du thème de novembre du Chêne, "Comment réussir la maîtrise des dépenses de santé tout en pérennisant l'efficacité de notre système",
mon premier réflexe a été de prendre connaissance du serment d'Hippocrate de manière plus approfondie car à l'issue de la soutenance de leur thèse tous les médecins prêtent serment devant leurs pairs. Le texte de ce serment dit "d'Hippocrate" est reproduit ci-dessous.
Au moment d’être admis(e) à exercer la médecine, je promets et je jure d’être fidèle aux lois de l’honneur et de la probité.
Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux. Je respecterai toutes les personnes, leur autonomie et leur volonté, sans aucune discrimination selon leur état ou leurs convictions. J’interviendrai pour les protéger si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité.
Même sous la contrainte, je ne ferai pas usage de mes connaissances contre les lois de l’humanité.
J’informerai les patients des décisions envisagées, de leurs raisons et de leurs conséquences.
Je ne tromperai jamais leur confiance et n’exploiterai pas le pouvoir hérité des circonstances pour forcer les consciences.
Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera.
Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.
Admis(e) dans l’intimité des personnes, je tairai les secrets qui me seront confiés.
Reçu(e) à l’intérieur des maisons, je respecterai les secrets des foyers et ma conduite ne servira pas à corrompre les moeurs.
Je ferai tout pour soulager les souffrances. Je ne prolongerai pas abusivement les agonies. Je ne provoquerai jamais la mort délibérément.
Je préserverai l’indépendance nécessaire à l’accomplissement de ma mission.
Je n’entreprendrai rien qui dépasse mes compétences. Je les entretiendrai et les perfectionnerai pour assurer au mieux les services qui me seront demandés.
J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité.
Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses ; que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque.
Ce texte peut paraître désuet par certains côtés tant les technologies ont modifié la perception de la médecine. Mais en fait, ces moyens performants et coûteux que sont les outils technologiques, ne modifient pas le rôle du médecin et de la médecine. Le médecin n''est pas une extension de la machine mais un guérisseur disposant d'une science pouvant soulager la souffrance d'autrui.
Cette introduction pour dire que :
– la responsabilité est au coeur de la démarche médicale et qu'elle doit donc animer tous les intervenants dans tous les réseaux. La déontologie du fabricant de médicaments, du prescripteur, du médecin dans l'élaboration de son diagnostic, du chirurgien, de l'auxiliaire
de soins, etc... fait vivre ou ne fait pas vivre ce sens de la responsabilité.
– Le contexte devient plus fort que les concepts du serment d'Hippocrate pour tous ces personnels dévoués quel que soit le réseau dans lequel ils opèrent (public ou privé). Et le contexte est défavorable. Les vocations diminuent, les actifs dans le système de soins sont
découragés, les moyens coûteux deviennent difficilement accessibles pour les malades du fait de leur rareté relative par rapport à l'explosion de certaines maladies comme le cancer dans notre pays, les désastres écologiques se multiplient et impactent notre santé physique et mentale et même morale (un esprit sain dans un corps sain).
– Les réformes de financement n'ont rien amélioré en quelques décennies. Elles ont contribué à abaisser la qualité du système à titre général. Modifier l'organisation du système de soins peut être une réponse pour réformer le contexte qui étouffe l'expression totale des principes énoncés dans le serment d'Hippocrate. Mais modifier l'organisation ce n'est pas fermer des structures et rationaliser uniquement. Ce serait court et enfantin comme de jouer au leggo.
Le sérieux des réformateurs exige un professionnalisme exemplaire pour s'assurer que le réseau repensé comprend les moyens en matériel et en compétences, donc en femmes et hommes formés, pour le faire vivre selon des procédures définies pour assurer son bon
fonctionnement avec au centre la préoccupation du bien-être du malade.
– Derrière ce professionnalisme se trouve la dimension éthique du serment d'Hippocrate et l'Etat doit veiller à ce que l'encadrement du coût des soins et consultations par le biais des conventions médicales et des tarifications mises en place par la Sécurité sociale ne soit pas
détourné par des actes médicaux ou des traitements répétitifs, injustifiés ou parfois tellement déconnectés de la prise en compte du bien-être moral de la personne. Une société moins violente, moins égoïste et plus juste à laquelle chacun doit travailler serait parfois le meilleur
remède à la montée des maladies mentales ou des pathologies psycho-somatiques.
– Au fond, ces conventions médicales fonctionnarisent le corps médical qui bénéficie d'une clientèle indirectement subventionnée par les remboursements de plus en plus faibles, il est vrai, de l'assurance maladie solidaire. La différence entre un fonctionnaire dont l'affectation
géographique pour servir les citoyens est soumise à l'appréciation qu'en fait l'Etat (c'est-àdire nous tous) et un médecin libéral qui revendique (en contradiction avec le serment d'Hippocrate) le choix de son implantation à sa convenance est pour le moins étonnnante au
regard du système dans lequel il perçoit ses honoraires. Ce sujet de la désertification médicale des campagnes, comme bien d'autres, sont tabous mais ne le resteront pas longtemps lorsque les mutuelles, compagnies d'assurance et institutions de prévoyance versant la part complémentaire à la sécurité sociale pour le remboursement des prestations seront taxées et que les citoyens verront leurs cotisations d'assurance complémentaire augmentées. Une énième solution financière est en marche pour combler les déficits et, c'est
certain, la rogne qu'elle proquera permettra d'éviter de parler des sujets qui fâchent et qui sont les vrais sujets.
Pour terminer cette réflexion toute personnelle mais émanant d'un ancien usager de système de soins dans 3 autres pays (USA, Canada et Belgique), il ressort que notre système de soins n'est plus efficace. Il ne s'agit pas de préserver une efficacité mais de redresser la barre au risque de continuer sur la pente du déclin et ce, malgré le professionnalisme et la foi des acteurs qui font ce qu'ils peuvent dans le contexte décrit, acteurs qui ont peur du changement par ailleurs. La maîtrise des dossiers et des dépenses commencent par la maîtrise de soi : un grand chapitre s'ouvre alors sur l'éducation que chacun d'entre nous reçoit pour apprendre à vivre avec les autres et pour le bien de la collectivité car ce bien collectif est à la base du bien de l'individu.
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