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03/04/2009

Violence scolaire: Michèle Alliot-Marie et Xavier Darcos dévoilent leur plan

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Si la collaboration interministérielle Education nationale et Intérieur n'est pas nouvelle, jamais les deux ministres, Xavier Darcos et Michèle Alliot-Marie, ne s'étaient exprimés ensemble sur la violence scolaire.

 

Désormais vous connaissez donc le nombre d'établissements qui sont touchés par des «intrusions» en France ?

Michèle Alliot-Marie. Plus que le nombre, ce qui compte, c'est la philosophie de cette nouvelle démarche: l'école doit être un sanctuaire de sécurité, où les parents sont sûrs que les enfants sont protégés, et les adultes aussi.

 

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Des chiffres inquiétants

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Xavier Darcos. Les rectorats ont identifié à ce jour 120 établissements particulièrement concernés par des phénomènes d'intrusion, sur lesquels nous allons cibler notre action. Au plan national cette année, les faits d'intrusion sont d'ailleurs en augmentation avec une moyenne de 50 par mois. Mais un collège ou un lycée, ce n'est pas un lieu comme les autres : c'est l'endroit où se transmet le savoir, il doit être sanctuarisé. Avec le président de la République, il nous est apparu que l'établissement scolaire ne peut en effet plus seulement être un lieu protégé par ses règles internes (le règlement intérieur) puisqu'il se trouve confronté à un phénomène récent, celui de la violence importée, qui dans 15% des cas est le fait de personnes totalement extérieures à l'établissement. Il faut donc renforcer les outils qui permettent de faire face à cette violence qui vient de l'extérieur.

C'est nouveau ?

Xavier Darcos. Oui. Et ce qui l'est aussi, c'est que certaines de ces incursions peuvent se faire avec des armes.

Michèle Alliot-Marie. Le plus souvent avec des armes blanches ou des objets utilisés comme des armes : barre de fer, bâtons... Longtemps, les violences scolaires recensées étaient essentiellement des vols, des bagarres internes- grand classique des cours de récréation-, quelques violences venues de l'extérieur, qui étaient le fait de frères, cousins, parents d'un élève. Ce qui s'est passé à Gagny a mis en lumière l'émergence d'un phénomène qui jusqu'ici n'avait pas pris de telles proportions en termes de violence et d'intensité. Les origines des règlements de comptes importés dans l'enceinte scolaire sont diverses : trafics de drogue, rivalités amoureuses, sentiments d'appartenance à un quartier, à une bande...

Vous avez donc une liste, et vous ne voulez pas la divulguer ?

Xavier Darcos. Non. Il n'est pas question de stigmatiser tel ou tel établissement. Ce n'est pas le but du recensement que nous avons demandé aux rectorats. L'idée est que dans ces collèges et lycées, on fasse valider ou actualiser le diagnostic de sécurité pour mieux cibler les actions à y mener.

La violence scolaire et ses chiffres restent donc un sujet tabou en France ?

Xavier Darcos. Des chiffres, nous en avons. Jusqu'en 2006, nous avions au ministère de l'Education le logiciel Signa. Les chefs d'établissements devaient le renseigner en signalant chaque acte violent. Eux-mêmes ont commencé à sous déclarer les faits, pour ne pas voir le nom de leur établissement revenir trop souvent. Depuis, nous avons instauré Sivis (système d'information et de vigilance sur la sécurité scolaire), un logiciel d'enquête national qui permet de mesurer le niveau de la violence scolaire. Il ressort de cette mesure qu'au cours de l'année 2007-2008, 11,8 incidents graves ont été signalés pour mille élèves. Ces actes de violences graves, plus fréquents dans les collèges que les lycées, ont pour 85% d'entre eux été commis par des élèves de l'établissement et pour 36% relevaient de la violence entre élèves, qui sont aussi souvent les victimes. Par ailleurs, tous les soirs, chaque recteur dispose des signalements de la journée dans son académie, ce qui donne à nos responsables une connaissance assez fine de la situation.

Michèle Alliot-Marie. A titre d'exemple, sur Paris depuis la rentrée, 1215 faits ont été commis dans ou aux abords des établissements scolaires, qui vont des vols aux violences, en passant par le trafic de stupéfiants. Ils ont donné lieu à 175 interpellations.

Quels critères aviez-vous donné aux rectorats et préfectures pour sélectionner ces 120 établissement les plus touchés par la violence et les phénomènes d'intrusion ?

Xavier Darcos. Les recteurs ont retenu les établissements qui connaissaient les phénomènes d'intrusion les plus marquants. Il n'y a d'ailleurs pas de grandes surprises : on retrouve dans cette liste les établissements dans lesquels ces faits se produisent régulièrement. Le plus souvent, il s'agit de de cités scolaires, moins bien fermées où il est plus facile, parce que c'est grand, de s'introduire.

Moins bien fermés : cela veut dire que pour éviter cette nouvelle forme de violence, c'en est fini de l'école «ouverte»?

Michèle Alliot-Marie. L'école «fermée» n'est pas une nouveauté. Jusqu'aux années 1950, elles étaient d'ailleurs construites comme des lieux clos. Ensuite, on a davantage ouvert l'établissement sur la ville. Mais l'évolution de la société fait que pour des raisons de sécurité des élèves et des professeurs, il faut parfois privilégier l'interdiction d'accès extérieur.

Concrètement, vous allez donc vous concerter entre ministères pour imaginer des solutions ?

Michèle Alliot-Marie. Le travail en commun n'est pas nouveau ! Nous avons déjà une convention interministérielle, qui a été réactualisée en fin d'année dernière. En 2008, nous comptions 6000 policiers ou gendarmes référents. Ils sont pour les chefs d'établissement des interlocuteurs privilégiés, qu'ils connaissent, avec qui ils peuvent discuter librement. Ils participent à l'élaboration des diagnostics de sécurité comme aux opérations de prévention, et interviennent en cas de besoin.

Xavier Darcos. Ce travail de coopération qui prend notamment la forme de policiers référents est essentiel et nous allons l'intensifier. Par ailleurs, plus en amont du problème, nous avons engagé cette année une action assez vigoureuse de lutte contre l'absentéisme et le décrochage scolaire. On sait en effet que les établissements où se concentrent les faits de violence sont aussi ceux où l'on constate un décrochage scolaire massif.

Quoi de neuf alors ? A Gagny il y avait pourtant un policier référent. Il y avait même une caméra vidéo surveillant l'accès à l'établissement...

Michèle Alliot-Marie. C'est vrai. Mais on peut aussi considérer que cela nous a permis d'intervenir très rapidement et de procéder à des interpellations le jour même. En matière judiciaire, les peines encourues vont être aggravées, en transformant l'intrusion, qui n'était qu'une contravention, en délit...

Xavier Darcos. Et puis le ciblage des établissements les plus touchés va nous permettre d'instaurer, ensemble, des équipes mobiles capables de répondre aux besoins plus vite, à l'image de ce qui se fait en Ile-de-France. Par exemple, dans l'académie de Versailles, un système d'aide aux établissements a été mis en œuvre, avec des équipes qui viennent voir dans l'établissement ce qui ne va pas, qui identifient les améliorations possibles, qui participent aux diagnostics de sécurité ou accompagnent après des incidents graves.

Allez-vous prôner la généralisation des caméras au sein des établissements ?

Michèle Alliot-Marie. Sans le systématiser, je veux développer ce système. La société a évolué sur ce point. 75% des Français approuveraient aujourd'hui leur installation, si j'en crois les sondages, preuve qu'ils ont compris que la vidéo-protection était dissuasive et qu'elle facilitait la résolution des enquêtes, sans pour autant porter atteinte à leurs libertés. Dans certains endroits, des caméras sont déjà installées. Nous allons nous assurer grâce aux diagnostics qui doivent être faits pour la mi-mai, qu'elles sont bien placées aux endroits stratégiques et peuvent être reliées aux services de police.

Xavier Darcos. Les contrôles humains aux entrées et sorties sont également essentiels. Le rôle des conseillers principaux d'éducation (CPE) et des chefs d'établissement est, à cet égard, absolument essentiel : connaître tous ses élèves, c'est important. Quand au lien plus étroit avec la police, j'observe qu'en Angleterre cela ne choque personne de voir un policier en uniforme passer régulièrement dans une école...

Pour renforcer le rôle des policiers référents, envisagez vous d'en installer carrément à l'intérieur des établissements "ciblés"?

Michèle Alliot-Marie. Non, l'école n'est pas une annexe du commissariat. Même si les drames qui se sont déroulés à l'étranger, en Allemagne dernièrement, ont rendu les gens plus sensibles à la sécurisation des écoles, ce n'est pas le rôle d'un policier que de se trouver en permanence dans une école. La sécurité, c'est une chaine, où chacun a un rôle, et une place.

Depuis vingt ans il y a déjà eu plusieurs plans antiviolences...

Michèle Alliot-Marie. Ce qui change cette fois, c'est l'état d'esprit, l'idée que nous devons travailler ensemble, enseignants, parents, élèves, forces de l'ordre. Ensemble, nous pourrons agir, au cas par cas, à certains endroits ou sur certains types de problèmes.

Xavier Darcos. Il ne s'agit pas de monter une usine à gaz universelle mais du «cousu main» : répondre à chaque cas particulier de façon adaptée, tout de suite, contre ce phénomène nouveau. Chaque époque doit savoir trouver les réponses les plus justes aux problèmes de son temps.

Michèle Alliot-Marie. Dès qu'un dispositif existe, nous savons que les délinquants cherchent à le contourner. Lutter contre la délinquance impose donc de s'adapter en permanence. C'est ce que nous faisons.

source : le parisien.fr

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