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30/09/2008

Les démocraties face au terrorisme, par Michèle Alliot-Marie

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Le terrorisme est l'ennemi commun des démocraties. L'islamisme radical n'est certes pas le seul en cause, il demeure toutefois une priorité. Depuis plus de six ans, comme ministre de la défense puis de l'intérieur, j'en ai suivi les modalités, les évolutions et hélas les manifestations. Certaines réalités ne sont pas inutiles à rappeler.

La première est que la France est une cible potentielle, car ses valeurs : liberté, tolérance, respect des femmes, laïcité, droits de l'homme, sont en opposition avec celles de l'intégrisme. Elle n'est pas plus menacée que d'autres : ces dernières années ont vu plus d'attentats dans les pays musulmans qu'en Europe. Elle ne l'est pas moins : le démantèlement de réseaux et les arrestations d'islamistes sur notre sol le montrent.

La deuxième réalité est l'extension géographique du terrorisme islamiste. L'arc du terrorisme intégriste couvre l'Afghanistan, le Pakistan, la Malaisie, l'Indonésie, la Somalie, la péninsule Arabique, le Moyen-Orient, la zone subsaharienne et le Maghreb. De ces bases, il projette ses actions vers l'Europe.

Les conflits irakien, israélo-palestinien, afghan lui servent de terrain d'entraînement. Les zones grises où les Etats ne parviennent pas à imposer leur autorité abritent ses bases arrière et les trafics de drogue ou d'armes qui le financent.

La troisième réalité est l'évolution idéologique du terrorisme. Al-Qaida s'est d'abord identifiée à une radicalisation religieuse appelant à une guerre totale entre monde musulman et monde occidental. Cette motivation est encore mise en avant. Pourtant depuis trois ou quatre ans, l'idéologie l'emporte de plus en plus sur le religieux.

A l'heure où le communisme s'efface, et avec lui une voie politique de contestation, l'intégrisme accueille des personnes frustrées, en quête d'identité, fragilisées, mais aussi, et c'est une nouveauté, des acteurs apparemment bien intégrés - voire occidentaux, mais sensibilisés par la propagande, comme les médecins des attentats de Londres.

A ce titre, les Etats arabes ou musulmans et leurs dirigeants deviennent des cibles au même titre que les occidentaux.

La quatrième réalité, c'est la guerre de la communication. Les terroristes utilisent les images des populations victimes des affrontements au Liban, en Palestine, en Afghanistan, comme propagande contre l'Occident ; celles des otages ou des militaires occidentaux tués comme preuve de leur puissance.

Ils recherchent la symbolique pour créer la panique. Métros, gares, casernes, rencontres politiques, sportives, culturelles très médiatisées, constituent à ce titre autant de cibles potentielles. Devant cette recherche du toujours plus spectaculaire, l'utilisation d'armes chimiques ou bactériologiques sur des cibles comme les centrales nucléaires, les réservoirs d'eau ou les systèmes informatiques, est une crainte légitime.

La cinquième réalité, c'est l'évolution tactique. Internet ne sert plus seulement aux échanges internes aux réseaux, ou aux messages destinés aux médias telles les exécutions, les menaces, les revendications... Il est devenu un vecteur d'endoctrinement et de recrutement de populations pour des actions d'opportunité, au-delà des attentats programmés. Les assassinats de nos compatriotes en Arabie saoudite et en Mauritanie relèvent de cette catégorie.

Pour protéger nos concitoyens à la mesure du risque, notre stratégie doit être préventive, européenne, globale, légitime. Agir, c'est bien sûr être vigilant au quotidien : sur notre territoire, des milliers de policiers, gendarmes et soldats des trois armes sont mobilisés en permanence.

Agir, c'est aussi anticiper. Nos services de renseignement ont été récemment réorganisés pour optimiser la collecte d'informations. C'est aussi la finalité de la coordination entre les services nationaux, européens et américains notamment. Le véritable enjeu aujourd'hui reste de développer en commun nos capacités à analyser ces renseignements dans la masse des informations collectées.

Agir, c'est intervenir là où sont les organisations, les réseaux de financement, les camps d'entraînement, les écoles d'endoctrinement. C'est le sens profond de l'engagement de nos militaires en Afghanistan ou au Liban aux côtés de leurs camarades des autres pays, dans des missions aussi risquées qu'indispensables. L'ONU donne sa légitimité à cette action militaire, car ses décisions sont celles de la communauté internationale entière et non des seuls pays occidentaux.

Agir, c'est aussi contribuer à l'amélioration des conditions de vie et au retour à l'Etat de droit, dans des pays dont la situation politique et l'absence de valeurs démocratiques est de nature à favoriser l'émergence de groupes radicaux.

Agir, c'est forcément agir ensemble. Face à un tel risque, l'Europe de la sécurité est une exigence. Elle reste à construire malgré des progrès réels. L'efficacité implique de rapprocher encore nos législations et nos méthodes, de favoriser les échanges, pour donner à nos actions communes une efficacité optimale.

C'est l'objet de la conférence qui a réuni ce week-end à Bonn les membres du G6 (France, Italie, Royaume-Uni, Allemagne, Pologne, Espagne) et les Etats-Unis. Elle a permis de souligner que le dialogue ouvert avec les autorités américaines n'est nullement incompatible avec les progrès de la mobilisation européenne contre le terrorisme.

L'Europe ne saurait ignorer qu'elle partage les mêmes risques que l'Amérique. Il est temps de donner un contenu nouveau au dialogue transatlantique avec un cadre qui favorise les échanges d'informations pertinents et garantisse un niveau élevé de protection des droits individuels et des libertés. L'action policière nécessite une législation adaptée, mais qui ne renonce pas à nos valeurs de respect de la démocratie et des droits de l'homme.

Dans cette stratégie globale, l'Europe a un rôle essentiel à jouer. Parce que chacun sait qu'elle respecte les aspirations des peuples, elle n'est pas soupçonnable de visées impérialistes. Nous ne gagnerons pas la guerre contre le terrorisme sans le soutien des citoyens, ceux de nos pays, ceux des pays victimes du terrorisme. Ce soutien ne peut exister que si nos actions leur apparaissent légitimes.

A l'heure où elle préside l'Union européenne, la France a un rôle essentiel à jouer, pour convaincre de la nécessité d'agir fortement, fermement, globalement et avec bon sens.

L'implication personnelle du président de la République crée un espoir. Que l'Europe et la communauté internationale ne laissent pas passer cette opportunité. Il faut une réponse à l'échelle européenne et, je le souhaite, à l'échelle transatlantique.

 Article a paraitre demain dans le Monde

 

 

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